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Damien « la tortue » : “Une bonne course, c’est quand on la termine et qu’on se demande quand sera la prochaine”

Damien Boix « la tortue »

Pour cette nouvelle interview, nous avons questionné Damien Boix, 58 ans, chirurgien-dentiste, multi-Ironman et friand d’ultra-distance.

1. Comment en es-tu arrivé au triathlon ?

J’ai toujours fait du sport, notamment 15 ans de volley-ball où j’ai joué à un niveau national. Après, je me suis rompu le tendon d’Achille, j’avais un peu plus de 30 ans. Une fois remis sur pied, j’ai commencé le rugby et j’ai arrêté de fumer. Puis au fil du temps, j’ai commencé à prendre du poids, une trentaine de kilos, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, alors j’ai commencé à courir dans les années 1999-2000, pour me bouger. J’ai fait mon premier marathon en 2002. A l’époque déjà je n’aimais pas l’intensité, je courais à mon rythme. Petit à petit, j’ai enchaîné les courses de plus en plus longues et j’y ai pris goût. Je discutais avec d’autres passionnés sur des forums d’ultra-trail et j’ai terminé ma première SaintéLyon (trail nocturne entre Saint-Étienne et Lyon) en 2003 et quelque temps plus tard, j’ai eu la chance de participer aux premiers UTMB (Ultra Trail du Mont-Blanc) dans les années 2005-2006.

En 2006 on m’a diagnostiqué une tumeur au cerveau, je m’en suis sorti et ça m’a poussé à faire encore mieux, à me surpasser. 6 mois plus tard j’étais reparti et j’entendais beaucoup parler de l’Embrunman qui se déroulait en Août. Je ne connaissais pas, mais je me suis dit que ça avait l’air rigolo… Je faisais déjà un peu de vélo à l’époque mais je nageais comme une pierre, alors j’ai commencé à prendre des cours de natation, mais au bout de 3 mois je ne pouvais toujours pas nager 300 mètres. Alors à Noël 2007 je me suis offert l’inscription à la course et dans la foulée je me suis licencié au TCN pour avoir un cadre et de la discipline pour progresser. J’ai débuté le triathlon le 2 janvier 2008 au bord de la piscine. Lors de cette première séance, Rodolphe m’a interpellé en me demandant si j’étais nouveau, je lui ai répondu par l’affirmative en lui précisant que je m’étais inscrit pour l’Embrunman le 15 août suivant… Je crois qu’il m’a pris pour un fou !

2. Finalement cet Embrunman, comment l’as-tu préparé ? Et aujourd’hui comment prépares-tu tes compétitions d’ultra-distance ?

Lors de ce premier entraînement de natation, j’ai découvert le pull-buoy et ça a tout changé, j’ai pu faire mes premiers 1500 mètres. Mais je n’aimais pas trop nager au début. Je me suis forcé à y aller et j’ai fini par prendre autant de plaisir qu’aux entraînements de vélo et de course à pied pour lesquels j’avais déjà de l’expérience. Pour préparer cet Embrunman, je m’étais fait un programme, grâce aux conseils d’un vieux copain qui avait fait quelques triathlons. Je fixais une charge d’entraînement croissante au fil des semaines pour arriver prêt le jour-J. J’ai fait un premier triathlon “officiel” en courte distance à Rennes où je suis arrivé dernier (les bénévoles avaient déjà commencé à dégonfler l’arche d’arrivée mais ils l’ont regonflé pour moi !), puis est arrivé l’Embrunman, que j’ai terminé en 14h21 avec un vieux vélo Décathlon et 90 kilos sur la balance ! Et pour l’anecdote, le jour de la course je suis parti tellement doucement qu’en franchissant la ligne d’arrivée, j’étais assez frais pour aider les secouristes. Aujourd’hui je suis moins exigeant sur la préparation, je fais juste ce qu’il faut pour être prêt le jour de la course mais je ne m’impose plus de suivre de programme prédéfini, je fonctionne à l’envie et aux sensations.

3. Quelle est ta semaine type d’entraînement ?

Je m’entraîne en moyenne une quinzaine d’heures par semaine :

  • Lundi : matin CAP 45’-1h, midi natation
  • Mardi ou jeudi : home trainer
  • Mercredi soir : natation avec Victor, c’est complémentaire avec les séances de Rodolphe
  • Vendredi : matin CAP 1h, midi natation, soir vélo Nantes-Pornichet (+/- 70 km)
  • Samedi : matin marche ou CAP au bord de l’eau, puis vélo 2-3h
  • Dimanche : matin footing long ou marche 1h30-2h, soir retour Pornichet-Nantes à vélo

4. Comment fais-tu pour concilier ton volume d’entraînement avec ta vie professionnelle et ta vie personnelle ?

J’ai la chance d’avoir une épouse très indépendante et compréhensive. J’ai 5 enfants mais je n’ai commencé les entraînements de triathlon qu’aux alentours de 45 ans, ils étaient déjà grands. En plus de ça, j’ai la liberté de gérer mon travail comme je le souhaite, et pour finir je ne dors pas beaucoup. Le sport c’est la chose la plus importante des choses les moins importantes de la vie. Et la vie c’est comme une boite qu’il faut remplir avec le plus de cailloux possibles, tu mets les gros cailloux d’abord : les priorités, la famille, le boulot, et ensuite tu mets des petits cailloux pour boucher les trous : les plaisirs, le sport… Si tu commences par remplir la boite avec des petits cailloux, il n’y a plus de place pour les gros…

5. Qu’est-ce que le sport t’apporte dans ta vie personnelle ?

Je ne conçois pas la vie sans sport. J’ai besoin de sortir, de bouger, jamais vous me verrez passer une journée dans mon canapé ! C’est beaucoup de plaisir. J’ai plein de copains au TCN. Et puis ça me donne une certaine rigueur de travail.

6. Qu’est-ce qui te plaît tant dans les ultra-distances ?

Souvent il faut une équipe suiveuse, pour moi c’est ma famille. Ça nous permet de passer des moments extraordinaires ensemble. Ma fille aime bien s’occuper de la logistique, de l’organisation. Sur certaines courses, il m’arrive aussi de courir des portions avec mon fils ou mon gendre et j’adore partager ça avec eux.

7. Ton palmarès en ultra-distance ?

En triathlon :

  • Une dizaine de half Ironman et de triathlons longue distance (Alpe d’Huez, Sireuil, La Tranche, Les Sables, Val d’Aran, Val de Loire, Sizun, Deauville…)
  • 32 Ironman et xtrem tri (les xtrem tri sont des formats IM ou plus avec parcours en montagne et/ou conditions climatiques difficiles), toujours finisher, dont :
    • 11 Altriman (best 14h51 : 10ème place, 3ème vétéran)
    • 5 Embrunman (best 13h20)
    • 3 IM de Nice (best 10h59)
    • 2 Evergreen 228
    • 2 Bearman
    • 2 Icon xtrem tri
    • 1 Roth Challenge (meilleur temps jamais réalisé sur IM : 10h43)
    • 1 Norseman (Norvège)
    • 1 Swissman
    • 1 Celtman
    • 1 Triathlon X
    • 1 Triverest
    • 1 Mercantour Man
  • 1 double Ironman à Tyrell (UK), en 2011, championnat d’Europe : 2e place, 28h47
  • 1 triple Ironman de Lensahn (Allemagne) en 2013, championnat du monde : 6e place, 41h33

En course à pied sur route, trail et ultra-trail :

  • 18 marathons (meilleur temps 3h28)
  • 3 Saintélyon (70 km)
  • 9 Raid 28 (vainqueur en 2005) = raid en orientation de 80 à 100 km sur 18h
  • 5 raids normands, raid en orientation sur 10h
  • 1 grand raid du Mercantour (trail montagne 100 km)
  • 1 grand raid du Cromagnon (trail montagne 85 km)
  • 1 raid de l’estuaire (St Nazaire-Coueron, 85 km)
  • 1 tour des glaciers de la Vanoise (trail montagne 80 km)
  • 3 Ultra Trail du Mont Blanc (trail montagne 165 km)
  • 9 Mégalonight : course d’orientation nocturne sur 8h
  • Quelque 10 km, mais je n’ai jamais aimé beaucoup ça (meilleur temps 41’40)
  • Quelques semi-marathons, mais je n’ai jamais aimé beaucoup ça non plus (meilleur temps 1h37)
  • Championnat du monde de Rogain (course d’orientation de 24h)
  • 1 ultra 6000D
  • 1 course des 24 heures de Rennes (165 km)

En vélo :

  • Nombreuses cyclosportives en plaine et montagne (l’Ardéchoise vélo marathon, La Luc Alphand, La Cluses-Agy, Ronde de Sablé, La Pierre Jodet, Jean Cyril Robin…)
  • 1 Paris-Brest-Paris (59h, ma plus longue épreuve)
  • Plusieurs BRM (Brevets de Randonneurs Mondiaux)
  • 1 traversée des Alpes de Genève à Menton

8. Des conseils pour les novices d’ultra-distance ?

Le moteur doit être le plaisir, sinon il n’y a pas d’intérêt et la lassitude s’installe ou la blessure arrive. Même les pros, la plupart d’entre eux trouvent du plaisir dans leurs entraînements ! Et puis après, c’est la préparation, pour arriver prêt le jour-J. Pour ça il faut se mettre dans les conditions : manger correctement, bien dormir, s’entraîner régulièrement, ne pas se forcer sur une séance si on est fatigué sinon on peut se blesser, mais ne pas confondre la vraie fatigue avec la flémingite ! Une bonne course, c’est quand on la termine et qu’on se demande dès la ligne franchie quand sera la prochaine. Si au contraire, on a trop souffert et qu’on se dit « plus jamais ça », l’objectif n’est pas atteint. Tout le monde au club est capable de terminer un Ironman en 6 mois avec le bon entraînement mais surtout la volonté.

9. Pour finir, pourquoi le surnom de “la tortue” ?

Ce surnom date de mes débuts en course à pied, lorsque j’échangeais avec d’autres coureurs sur un forum de course à pied. On avait tous un surnom d’animal. J’avais choisi la tortue car ça correspondait bien à ma philosophie : lentement mais sûrement. Je ne vais pas vite mais je vais toujours au bout ! Quelques idées d’allures : 28-30 km/h à vélo pour aller à Pornichet 6’30 /km à la course à pied (sur une sortie d’1h) 1’50 /100 m en natation

Entretien réalisé le vendredi 4 mars 2022

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Rédigé par :

Alban Pasquereau