#

Portrait de Julie Belleil qui nous parle de sport et de maternité

“On pense souvent que la maternité ça sonne la fin du sport pour les femmes, mais ce n’est la fin de rien”

Portrait de Julie Belleil, TCNiste depuis 2016, Présidente du club depuis 2 ans et jeune maman, qui nous raconte sa reprise sportive après son premier enfant.

1. Est-ce que tu peux nous parler de toi et nous raconter ton histoire avec le triathlon ?

Je suis Julie Belleil, j’ai 39 ans, je suis agente administrative à Nantes Université et licenciée au TCN depuis 7 ans.

Je n’ai pas de passé sportif. Vers 25 ans, j’ai commencé à avoir mal au dos et on m’a conseillé de faire du sport, je me suis alors mise à nager, courir et à me rendre au travail à vélo.

En 2012-2013, le comité du personnel de Nantes Université nous a pris des dossards pour le tri-relais d’Audencia La Baule, c’est là que j’ai découvert le triathlon. On m’avait assignée à la partie natation, que j’ai faite à la brasse avec une combi de surf achetée en occasion sur Internet, et j’ai adoré. Rebelote l’année suivante, et c’était encore plus génial. J’avais alors dit à haute voix qu’un jour je ferai une course complète et c’est comme ça que je me suis retrouvée l’année d’après avec un dossard pour le format S offert par le comité du personnel.

On est donc en 2015 quand je me lance dans mon premier “vrai” triathlon. On me prête d’ailleurs un vélo de course pour l’épreuve car je n’avais qu’un VTC.

C’est une expérience dont je garde de super souvenirs ; il y avait du monde, une super météo, le public t’encourage, l’ambiance est festive… J’ai même pleuré en passant la ligne d’arrivée tellement j’étais fière et heureuse. Je m’étais dépassée et ce sentiment était exaltant, j’avais envie de le revivre. Et  c’est comme ça que je me suis retrouvée au TCN l’année suivante.

Pour la petite anecdote, je me souviens de la journée des nouveaux quand je suis arrivée. Le Président de l’époque avait déclaré que le triathlon était un sport mixte mais pas un club de rencontre, ce qui avait fait rire quelques anciens au fond de la salle. Moi en plus je l’avais pris au premier degré. Mais visiblement je n’ai pas pris la boutade au sérieux puisque j’ai récemment eu avec Johan, également TCNiste, un bébé prénommé Hector il y a quelques mois.

J’occupe également la Présidence du TCN depuis 2 ans. Le poste était vacant et j’avais déjà une expérience de Présidente d’association donc je m’étais dit pourquoi pas. C’est un mandat de 4 ans.

2. En tant qu’athlète on porte souvent une attention particulière à son corps et à sa forme physique et mentale. Quand on attend un bébé, tout est chamboulé, est-ce que tu peux nous en parler ?

Quand j’ai commencé les compétitions je ne faisais que des distances S. En 2020 j’ai voulu commencer à faire du M, j’ai alors progressivement augmenté le volume de mes entraînements, jusqu’à être au pic de ma forme au début de la saison 2021. C’est là que j’apprends que je suis enceinte. Et c’est drôle parce qu’en l’espace de 15 jours, ma condition physique s’est effondrée : fatigue, souffle court, lenteur… je n’arrivais même plus à terminer les échauffements en course à pied.

A 2 mois de grossesse, j’ai quand même terminé le swimrun de Suscinio avec Alizée et le triathlon M de Saint Gilles Croix de Vie puis j’ai progressivement levé le pied, notamment parce que courir m’était devenu trop désagréable à cause de douleurs ligamentaires au niveau de l’utérus. J’ai ensuite arrêté le vélo car j’avais peur de tomber.

Pendant cette transition, je me suis sentie super bien entourée et accompagnée. D’abord par ma sage-femme, qui m’avait fait comprendre que chaque grossesse était différente et que je savais ce qui était bon pour moi, mais aussi par Rodolphe, qui a su adapter les séances et me proposer un encadrement spécifique, notamment en natation, avec la consigne stricte de ne pas faire d’apnée ou de prendre des temps de récupération plus longs, ce qui m’a permis de nager sereinement jusqu’à la veille de mon accouchement.

J’ai aussi levé le pied très naturellement au rythme des changements de mon corps : entre la dizaine de kilos que tu prends en quelques mois, tes muscles qui fondent et le cocktail d’hormones, il faut une certaine volonté pour continuer à faire du sport quand tu es enceinte. Tout est fait pour te ralentir et t’inciter à te reposer. J’ai quand même tâché de rester active, car je savais que ce que je parvenais à maintenir serait toujours ça de moins à récupérer.

J’ai en tout cas eu de la chance car cette période parfois redoutée s’est passée en douceur pour moi. La seule chose qui a peut-être été un peu dure, c’était de disparaître du jour au lendemain des entraînements sans pouvoir expliquer pourquoi et avoir à inventer des excuses.  Mais vient le moment de pouvoir l’annoncer et là c’est énormément de bonheur. L’arrivée d’un enfant est vecteur de beaucoup de joie et fédère autour de l’avenir.

3. Comment s’est passée la reprise ensuite ?

Hector est né le 3 mai 2022, il a 6 mois.

Moi j’avais trop hâte de reprendre le sport, je savais que ça allait être progressif et que je n’allais pas retrouver mon niveau d’avant tout de suite mais je pensais quand même pouvoir participer à mes 3 compétitions avant la fin de la saison. J’ai vite compris que ça n’allait pas être possible.

Déjà j’ai appris qu’il fallait attendre au moins 2 mois que mon col soit fermé pour pouvoir nager, que je n’allais pas pouvoir courir avant la fin de la rééducation périnéale, et qu’en plus tant que j’allaitais, mon corps n’allait pas pouvoir performer.

J’ai donc attendu 2 mois avant de retourner à la piscine. Je me vois encore préparer ma reprise comme une rentrée des classes, avec les grands-parents mobilisés pour garder le petit, les biberons dans le frigo, le sac de sport prêt… Puis tu sors de chez toi seule pour retourner nager avec le club, tout le monde est content de te revoir, et quand tu rentres dans l’eau la sensation est juste géniale.

La course à pied, ça va attendre encore un peu, le temps de terminer la rééducation du périnée. On n’en parle pas assez de ce groupement de muscles alors qu’il soutient tout. Post-accouchement, on estime à une dizaine de mois le temps nécessaire pour qu’il récupère parfaitement ses fonctions, et quand on y pense c’est normal : il a porté l’équivalent d’une boule de bowling pendant 9 mois puis a vécu un accouchement, il lui faut au moins le même temps pour s’en remettre. 

Quant au vélo, j’ai repris avec le groupe 3 le dimanche matin et ça se passe bien, même si je ne récupère pas aussi rapidement qu’avant des séances. 

J’ai donc une reprise prudente et je sais que de toute façon, tant que j’allaite, mon corps a pour priorité de faire du lait, donc du gras et de l’eau, et pas du muscle, donc ça ne sert à rien de me mettre la pression.

On pense souvent que la maternité ça sonne la fin du sport pour les femmes, mais ce n’est la fin de rien, il faut juste donner au corps le temps nécessaire pour se reconstruire.

4. On parle finalement assez peu de la maternité pour les athlètes féminines, est-ce qu’il y a des choses que tu as réalisées et dont tu aimerais parler ?

On se rend compte que pour beaucoup le sport vise pour les femmes à discipliner le corps dans un objectif esthétique pour se maintenir sur « le marché des bonnes meufs” (V. Despentes, King kong théorie, 2006). Quand tu es enceinte, les gens ne parlent que de ça, « combien t’as pris ? » sous-entendu, « combien tu vas devoir perdre ? ». Tu viens de voir ton corps se transformer à une vitesse fulgurante, de vivre l’épreuve physique de ta vie qu’est un accouchement, la déflagration émotionnelle de la rencontre avec ton enfant… et certains pensent que ton objectif c’est d’entrer dans un jeans. Si ce n’était pas l’objet de beaucoup de souffrances pour certaines femmes, ce serait presque drôle. Il y a des figures terrifiantes sur ce sujet, comme Maria Kang la coach de fitness « No excuse Mum », ou encore celles qui te disent que les femmes en postpartum qui ne retrouvent pas des abdos dessinés en moins d’un an sont des fainéantes. Déjà des abdos dessinés, pour quoi faire ? Si c’est juste pour mettre un crop top, merci, mais non merci.  

Ce dont on parle peu aux sportives amateures, c’est le rôle de l’imprégnation hormonale de la grossesse et de l’allaitement sur leurs performances. Ces sujets sont d’ailleurs assez nouveau, cela ne fait que quelques années que l’INSEP travaille sur la corrélation entre entraînement et cycle menstruel chez les sportives de haut niveau, notamment grâce aux travaux de recherche de Juliana Antero. Ce sont des sujets que je découvre et que je trouve hyper intéressants.  

Ma reprise sportive je l’envisage sur plusieurs niveaux. Déjà je veux réussir à remettre en place mon planning d’entrainement, c’est-à-dire intégrer ma pratique dans mon nouveau quotidien sans me mettre en burn out, et c’est de loin le plus grand défi. Ensuite il s’agit de récupérer mes capacités physiques, reprendre progressivement en respectant un corps dont le métabolisme a vécu des bouleversements profonds sur un temps très court. Le retour à « la normale » ne se fait pas le lendemain de l’accouchement, ce sera progressif et il faut l’accepter. Les performances ne reviendront pas sans une routine d’entraînement sérieuse et une récupération physique complète.  

Si je devais résumer, mon objectif sportif est plus de courir un 5 km sur route sans me pisser dessus que de réussir à fermer un bouton de jean.  

5. Être jeune parent c’est épuisant, on n’a pas le temps de faire du sport. Encore moins de faire 3 sports. Alors comment ça se passe quand les 2 parents font du triathlon ?

La pratique sportive est intégrée à notre vie commune, donc forcément, lorsqu’on s’est projetés dans la vie de parents, il était évident qu’elle resterait au cœur de notre nouvelle vie. De façon très pragmatique, on s’est départagé les créneaux d’entraînement et on construit notre planning autour de ce sport, ça fait partie de l’équilibre de notre vie de famille. Après, la réalité de parents nous rattrape souvent, parfois on n’a juste pas envie d’aller s’entraîner. 

Le sport, ça fait partie de notre vie de couple mais aussi de notre bien-être personnel. C’est important pour la santé mentale et on se dit que ça ne peut être que bénéfique pour notre enfant d’avoir des parents ressourcés. On doit continuer à faire ce qui nous anime, car pour lui transmettre des choses il faut qu’on continue à en vivre.

Bien-sûr, on n’a pas les mêmes objectifs sportifs quand on est jeunes parents, on ne va pas se lancer dans la préparation d’un Ironman alors qu’on a un nouveau-né. Il y a un temps pour tout, et en ce moment pour nous la priorité c’est de profiter de notre bébé.

Propos recueillis le 1er novembre 2022 par Julie TRANG

 


 

Retrouvez les autres portraits de nos athlètes du TCN !

T

C

N

Rédigé par :

Julie TRANG